Échelle, 2006, tempera sur papier marouflé, fusain, pastel sec, 210cm x 150cm, échelle en bois, 260cm x 30cm

L’organisation picturale de cette surface reprend l’idée du triptyque. Directement sur le mur, j’appuie, bien au milieu,une échelle de peintre en bâtiment en bois brut, dont les pieds reposent sur le sol : elle matérialise le cheminement des horizons rabattus vers le premier plan. Investie d’une symbolique, elle est une sorte de rabattement perspectif à contretemps devenu concret. L’absence de personnage au centre symbolise son élévation et sa disparition. Sur le tiers gauche du papier apparait la calligraphie très étirée d’un personnage : aux jointures de son squelette, qui révèlent les vides de l’ossature, sont reliées par strates toutes les lignes des horizons parcourus. L’élongation du corps et de l’esprit est ainsi figurée par l’addition des chemins parcourus. Sur le tiers droit, une figure en papier blanc froissé, peut-être collée par un colleur d’affiche à la Fernand Léger qui aurait aussi utilisé l’échelle fait le lien entre, sous terre, le métro en fer “enfer”, et le ciel azur. Cette présence rappelle, par sa forme et sa résonnance, le froissement du papier de soie dans les boîtes de chaussure ; elle renvoie au geste de tordre une mèche dans lequel bord et figure ne font plus qu’un. J’ai mêlé du sable à la matière picturale de ce tiers droit pour évoquer la sensation diffuse d’un mur. Légèrement teinté de bleu, en référence à l’azur de Mallarmé, il me rappelle surtout le bleu ciel de mon innocence de petit garçon en Argentine, relié à sa “maîtresse”.

“Regards de l’enfance si particuliers, riches de ne pas encore savoir, riches d’étendue, de désert, grands de nescience, comme un fleuve qui coule (l’adulte a vendu l’étendue pour le repérage), regards qui ne sont pas encore liés, denses de tout ce qui leur échappe, étoffés par l’encore indéchiffré”.
Henri Michaux, Passages.