Triptyque, 2008, Installation vidéo, 3 minutes, 2m x 2m x 1m

“Le cinéma c’est faire de la musique avec de la peinture”
Jean-Luc Godard

Cette installation qui intègre la projection d’images a pour but de préciser et de renforcer le signifiant de celle-ci, ainsi que de créer une situation où le rapport physique à l’objet s’établit par la définition d’un champ spatial. La projection des images s’effectue sur trois supports différents dans leur matière et leur texture, (je les ai appelés “colonnes” ). Leur disposition permet de jouer sur la profondeur de champ et, en créant des intervalles, d’établir des écarts et des dissociations.

La colonne de gauche :
L’image s’inscrit sur un drapé de tissu blanc et fin, rappelant un rideau de porte-fenêtre. Les plis verticaux évoquent les cannelures d’une colonne solide mais la matière souple du tissu est soumise aux caprices de l’air. L’image pourrait s’envoler, dans “l’infra mince” du dedans/dehors. Il faut y voir le simulacre d’une dématérialisation au travers les lignes du récit qui constituent une immersion dans la mesure où l’on se projette dans la transparence des images comme celles que l’on trouve dans les rêves.

La colonne du milieu :
Le support de la projection est en tôle de fer. Je pense aussitôt à une taule en enfer, à cause
de l’anachronisme visuel entre une apparition et simultanément son enfer/mement dans une surface aux angles durs. Cette partie centrale est la plus élaborée, la plus complexe, la plus retorse, et plusieurs notions contradictoires s’y enchevêtrent et s’y superposent. On est dans la caverne de Platon occupée par les ombres, les visions chimériques, dans la grotte ou à l’intérieur de la mine, dans le minéral. Cette plaque agit aussi comme un miroir où vient se refléter notre propre image qui se superpose à la première et renvoie le spectateur à lui même: en effet, dans cette mise en situation celui-ci est directement sollicité. La plaque de métal est suspendue, immobile, mais elle pourrait bouger, c’est-à-dire effectuer un balancement pendulaire ou bien trembler; elle émettrait alors le bruit du tonnerre. Il suffirait de la frapper pour qu’elle devienne aussi cymbale

La colonne de droite :
Des parpaings en béton cellulaire blanc superposés déterminent une tour où vient se projeter l’image d’un personnage et de son ombre, voyageur immobile. Par son épaisseur, il apparaît comme le plus important des trois éléments du dispositif scénographique. Il s’érige telle une colonne et devient le corpus, c’est-à-dire un bloc monolithique où l’image de la figure fait corps avec la masse de son support. C’est une façon d’arrêter le temps, “de suspendre la nuit”, de donner un poids à l’ombre fugitive, de bloquer la temporalité. En plus de la rudesse de l’image, de la rugosité du matériau, sa résonance sourde accentue son silence; cette matité aspirante écoute. La disposition des éléments de construction par strates rappelle le parcours de l’échelle, semblant former la colonne vertébrale participant à l’édification de l’être représenté, accentuant son isolement (“solitaire, solidaire”). Elle crée un effet de distance, de rupture.